Le pâtre
- Pierre O. Desautourre
- 22 janv. 2022
- 2 min de lecture
IX
Les écailles se multiplient une à une et recouvrent maintenant tout le corps mystérieux. Elles prennent une forme hasardeuse et la femme a l’impression qu’elles se repartissent sur le corps sans ordre ni règle. Néanmoins en regardant plus précisément elle voit que ces écailles commencent à former des lignes sinueuses et qu’elles rapetissent à fur et à mesure qu’elles arrivent au centre de la masse géante. Soudain la dame voit son corps et son visage dans une des écailles comme dans un miroir et elle constate que cette image passe d’une écaille à l’autre et d’un coup la dame vient à sa propre rencontre des milliers de fois. D’abord elle paraît grande et belle, reproduite dans une clarté parfaite, après toujours plus petite et d’un aspect flou, ensuite elle distingue uniquement sa silhouette qui prend l’aspect d’une boule. Cette boule se réduit petit à petit en un grain de sable ou de poussière. Finalement l’image semble disparaître.
Maintenant la promeneuse s’aperçoit de la toiture du chalet du président qui brille tout en haut de la montagne. Elle se souvient de cet après midi qu’elle avait passé en sa compagnie il a quelques années. Ce chalet a été construit sur un rocher entre deux glaciers et était accessible uniquement en ski ou en hélicoptère. Il était doté d’un grand luxe avec un chauffage au sol ainsi qu’une grande terrasse abritée par une baie vitrée. Le président était alors assis dans un fauteuil sur cette terrasse, se régalait de la belle vue et dit à ses hôtes d’une manière pathétique :
-N’est ce pas merveilleux de contempler cet endroit de montagnes et de neige, de respirer cet air pur à plusieurs mille mètres d’altitude. Je vois le brouillard dans les vallées en bas. En dessous des chaînes de montagnes la plaine s’étend et forme un paysage insignifiant. Depuis ma position surélevée, certes isolée, mais privilégiée, je vois tout et peux me forger une bien meilleure opinion que tous ces êtres qui se trouvent plus bas dans la plaine embrumée. C’est ici en haut dans la neige éternelle que se trouvent les vraies valeurs, mes valeurs et les valeurs de mes ancêtres, des bergers simples qui ont choisi de s'installer à cet endroit dans la nuit des temps.
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