Le pâtre

VII

Les lignes de ce corps géant descendent verticalement du ciel et s’enfoncent dans la neige. La promeneuse est contrainte de fermer les yeux tellement elle est éblouie par la lumière qui se répand dans toute la vallée. Elle voit une gamme de couleurs qui passe devant elle et l’écho d’un sifflement haut et fort lui revient des parois de la montagne. Une fois de ce côté de la montagne, après de l’autre. Les sons se mélangent avant de diminuer et de disparaître. Des séquences de sons se forment qu’elle n’avait jamais entendues auparavant.

Pourtant dans ces séquences elle commence à reconnaître des mélodies et d’un coup elle pense aux beaux jours qu’elle a passé avec sa fille quand elle était enfant. Déjà en bas âge la petite se mit au piano pour assembler des notes et construire son monde musical. Elle reproduisait tout ce qu’elle entendait autour d’elle par cœur, parfois même à plusieurs voix. A l’école elle passa tous les examens sans problèmes et après l’école obligatoire elle voulait étudier. Le village était très fier des ses enfants doués et les soutenait avec des bourses. Toutefois, après la votation sur la fusion la commune n’avait plus d’argent pour financer de tels projets. Les responsables pensaient qu’il y avait trop de jeunes qui voulaient étudier juste pour éviter de s'insérer dans la vie économique. Pour éviter ces « abus scandaleux » comme les gens du laie disaient on élaborait des critères qui rendaient l’obtention d’une bourse quasiment impossible.

Ma fille et une grande partie des jeunes gens doués furent par la suite contraints de quitter la commune et de s’installer dans des lieux qui leur offraient des conditions favorables pour développer leur potentiel intellectuel.