Le dîner des imbéciles

(récit rédigé par Pierre Olivier Desautourre)

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Le jeune homme entrait dans la salle et demandait d’une voix calme ce qu’on voulait de lui.

-La boîte avec les pilules, s’il vous plaît, tout- de- suite, ne voyez -vous pas à quel point je souffre dans cette séance où les mauvaises nouvelles s’accumulent, soufflait la dame d’une voix affaiblie.

-J’arrive, j’arrive, pourtant je dois vous avertir que vous avez déjà pris la dose maximale pour la journée et qu’il en reste plus beaucoup. Il faudrait plutôt aviser le médecin, répondait -il.

-Je n’a pas besoin du médecin, je suis en pleine séance, allez à la pharmacie en chercher. D’ailleurs ce n’est pas la première fois que je dépasse la dose prescrite.

-Mais Madame, je n’ai pas d’ordonnance, s’exclama le jeune homme, ils ne me donneront jamais ces médicaments.

La dame éclata de rires et dit : -A cent mètres à côté il y a une pharmacie. Là, ils vous donneront tous ce qu’il vous faudra, tenez, prenez ma carte.

Le sommelier s’exécutait comme d’habitude.

Un silence accablant s’installait entre les participants. Leurs yeux étaient fixés sur les dossiers et on tournait des pages, encore et encore. De temps à autre l’un ou l’autre regardait soit d’un air soucieux soit d’un air moqueur en direction de la dame qui s’exclama finalement :

-Vous vous moquez de moi, je le sens, mais plus pour longtemps, je vous le jure, je réfléchis à démissionner. J’espère que vous vous rendez compte ce que cela signifie pour vous et vos manigances transfrontalières.

-On aurait dû trouver quelqu’un dans le pays pour réparer le moulin, soupirait un des messieurs, mais personne en s’y connaît. Depuis la fermeture des écoles spécialisées le savoir faire s’est perdu et les spécialistes de l’étranger ne veulent pas venir ici parce que les coûts de vie sont trop élevés. En plus ils ne comprennent pas notre langue.

-Nous ne parlons pas de politique ici, l’interrompit la dame avec un geste dédaigneux. Vous pouvez partager vos raisonnements avec votre épouse ou n’importe qui, je m’en fiche, mais pas ici. Au moins vous avez codé votre intervention, je vous en félicite. Tout n’est encore perdu dans notre cause.