Le dîner des imbéciles
- Pierre O. Desautourre
- 13 juil. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 juil. 2024
(récit rédigé par Pierre Olivier Desautourre)
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Le jeune homme entrait dans la salle avec la carte dans la main. Il avait l’air préoccupé et s’avançait en direction de la dame. Elle lui regardait d’une manière inquiète, mais calme. Ses traits s’étaient calmés et autour de la table se répandait une ambiance de solidarité et du soutien.
En fait tout- le- monde semblait se soucier de l’état de santé de la femme. Elle était indispensable pour leurs commerces, car elle connaissait tous les détails des affaires d’au moins des dix dernières années. Elle était en quelque sorte la mémoire vivante de l’organisation et son cerveau était disposé comme les archives d’un service secret de n’importe quel système totalitaire au monde. En quelque secondes elle arrivait à citer des gens clés dans les administrations des pays où l’organisation travaillait. Elle connaissait leurs faiblesses et savait exactement dans quelle manière il fallait les aborder pour obtenir quelque chose.
Il va de soi qu’elle ne s’activait jamais personnellement sur le terrain. Cela était bien la tâche de ses nombreuses collaboratrices et collaborateurs qui étaient un peu moins nombreux. Ses affaires fleurissaient dans les antichambres des bureaux des ministres en soirée après les heures de fermeture des bureaux. Elle parlait toujours de séances, mais il était évident que ces séances étaient moins sobres que celle qui est décrite dans le présent récit. Elle n’en parlait jamais trop et si elle les énonçait, elle le faisait par allusion en décrivant des détails ambigus ou même désagréables que les gens préféraient oublier. Elle les colportait d’une manière obstinée, les liait les uns avec les autres sans logique apparente, les interchangeait et créait ainsi une immense confusion dans les milieux concernés. Il y avait des démissions suite à ces intrigues, des rebondissements dans des enquêtes ou toute sorte de scandales qui remplissaient les feuilletons des journaux.
-Madame, dit le jeune homme, la pharmacie est fermée, je n’ai plus de pilules.
-Tant pis, apportez-moi un verre de gin, s’il vous plait, répondit-elle.
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