Le diner des imbéciles

(récit rédigé par Pierre Olivier Desautourre)

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Deux personnes entraient dans la salle, accompagnées par le sommelier. Avec un signe de main il leur indiquait la table et les invitait de s’asseoir.

-Nous pouvons alors commencer notre séance, soyez les bienvenus, nous traitons aujourd’hui des affaires de haute importance et pour éviter toute risque de fuite d’informations, j’ai décidé de tenir la séance dans le langage codé selon l’usage de notre groupe d’envergure mondiale. Je vous propose d’utiliser le code indiqué à la page 53 de notre manuel de codage de l’avant dernière édition, l’édition que nous avons utilisée avant l’introduction des directives sur l’autorégulation en matière de blanchiment de fonds dans nos succursales situées dans les pays qui détiennent un taux d’endettement nettement inférieur à la moyenne internationale. Le mot clé de codage s’appelle « amidon ». J’espère que vous me suivez, dit la dame d’une voix monochrome en fixant chaque participant avec un regard insistant.

-Je peux poser une question ? demanda le monsieur assis du côté gauche de la table.

-S’il vous plait respectez le code, nous sommes écoutés ici, l’interrompit la dame en regardant le plafond.

-Excusez - moi, bien - sûr, eh, je voulais dire si la production d’amidon était bien en cours ? se corrigea l’interlocuteur.

-Le moulin est en panne, répondit la dame.

Les autres participants levaient la tête et répétaient d’une seule voix :

-En panne ?

-Oui en panne, reprit la dame, en panne, j’aimerais bien vous dire autre chose, mais nous en sommes arrivés à ce point et nos ingénieurs n’ont pas encore trouvé la raison de cet incident. C’est un scandale.

-Pourquoi un scandale, reprit le monsieur, je

-Encore une fois, s’il vous plaît, respectez le code, l’interrompit la dame

-Oui évidemment, excusez - moi, je reprends, dit-il et continua après une pause de plusieurs secondes :

-Pourquoi l’amidon est-il  pourri ?

-L’amidon n’est pas pourri, vous ne comprenez rien du tout, il n’y a plus d’amidon, puisque le moulin est en panne. Ce n’est quand même pas difficile. Vous m'exaspérez! s'exclama la dame en levant sa main droite pour toucher son collier.